L’auteur

Agnes Desarthe

Agnès Desarthe nous livre ici quelques réflexions sur la beauté, sur son roman et (un peu) sur
elle-même !

« La beauté c’est, avant tout, le plaisir lié à sa contemplation. Quant à savoir ce que je trouve beau, ce qui est beau selon moi, c’est beaucoup plus difficile à dire.
Les visages que je trouve beaux partagent souvent des traits communs (longs cils, sourcils relevés vers le milieu, grande bouche, yeux écartés), mais quand j’essaie de détailler, je me rends compte qu’elle vient souvent d’ailleurs, d’une incandescence intérieure, d’un éclat. Une beauté, pour moi, doit toujours être animée, vivante.
Les expressions du genre “beauté froide” n’ont pas de sens à mes oreilles, comme si ces deux termes s’annulaient l’un l’autre.
La beauté des laids n’est pas cachée, elle est apparente, pour peu que la laideur du laid atteigne au sublime, pour peu que le laid me fasse rire.
J’ai très peu de critères purement esthétiques (voire aucun). Je trouve souvent laids des gens réputés beaux.
L’idée de ce roman m’est venue je ne sais plus trop comment. Je crois que je voulais tenter une expérience : plongez une belle fille dans un tube à essai, un précipité se forme-t-il ?
Quelque chose dans ce genre. Mais, dans ce roman, la beauté est la voie d’entrée vers d’autres questions comme l’écriture, l’intolérance des adultes envers les enfants, l’incompréhension.
J’ai écrit ce livre dans un moment de grande révolte contre les formes établies de la narration : les guillemets, les paragraphes, les chapitres, tout m’énervait. J’avais envie de liberté ; je crois que c’est avant tout l’aspiration à la liberté qui m’a guidée.
J’ai, bien sûr, vécu des choses analogues dans mon adolescence. J’étais exaltée par la beauté de certaines personnes. Je me souviens du sentiment très agréable, et que j’éprouve encore aujourd’hui, quand je passe du temps avec une personne très belle. À force de la regarder, j’ai l’impression que j’ai le même visage, le même corps. C’est très agréable. Ça détend.
Je ne me trouve pas jolie. Je me trouve bizarre (comme la plupart des gens, d’ailleurs, je crois). Je n’ai aucune idée de ce à quoi je ressemble vraiment. La plupart du temps, je me considère comme un monstre incroyablement bien toléré par ses semblables indulgents.
Une belle fille ? Plein de noms me viennent à l’esprit, mais j’imagine qu’il faut une belle fille connue, alors voyons… Nastassja Kinski, Claudia Cardinale (dans Il était une fois dans l’ouest, surtout), Greta Scacchi, Beyonce, zut, j’ai donné quatre noms !
Les amitiés d’enfance durent parfois, les miennes me sont précieuses.
Ce qui est particulier avec les amis qu’on a connus dans l’enfance, c’est qu’en général, on connaît toute la famille avec, ce qui n’est plus le cas après. Cela crée un sentiment très particulier. »

Agnès Desarthe a reçu le prix Renaudot en 2010 pour son roman Dans la nuit brune, aux éditions de l’Olivier.